segunda-feira, 5 de setembro de 2011

Ouverture [11-14]


« Êtes-vous chrétien, oui ou non? »
Certaines questions vous assiègent tout à coup, alors qu'on ne se les posait plus. On s'en désintéressait. On pensait les avoir congédiées. Peut-être s'y dérobait-on, jour après jour, sans le savoir. Conférences, rencontres, débats: ce sont les autres qui, dans ces lieux publics, m'ont interpellé, et sans détour. Au début, leur curiosité m'agaçait. Je n'étais pas loin de la trouver inconvenante. Étais-je chrétien? Mais le savais-je moi-même ? C'est une qualité  ou une identité  dont, en tout cas, je ne songeais pas à me prévaloir. Je pressentais que la question devait un jour ou l'autre me rattraper mais, sans calcul délibéré, je campais dans le flou, l'ambigüité, le non-dit. S'affirmer chrétien m'eût paru présomptueux pour ne pas dire grandiloquent, mais prétendre le contraire eût été de la lâcheté. Alors ? Alors, je remettais à plus tard, poussant devant moi ladite question, comme un bagage verrouillé, un peu encombrant. Et je n'allais pas à la messe.
Ou si peu...
Puis vient un moment où le bagage doit être ouvert pour de bon. Ce n'est pas simple. Les aveux qui coûtent ne sont plus ceux d'autrefois, qui touchaient principalement à l'intimité du plaisir, aux dissidences amoureuses, aux « fantasmes» inavoués. Sur tous ces sujets, nous avons vaincu le poids du silence, et adouci les souffrances qui, parfois, allaient avec. On recommande à tous de parler haut et fort. Il y a même surenchère. Êtes-vous homosexuel ou échangiste ? Le confessant, qui viendra tout dire sous les sunlights à une heure de grande écoute, sera loué pour son audace, congratulé, montré en exemple. Tant mieux. En revanche, on embarrassera nos contemporains en les sommant d'annoncer sans détour, et publiquement, à quelle vérité ils adhèrent dans le tréfonds d'eux mêmes. A quelle foi ils s'en remettent ? Quelle croyance les fait vivre ? Quel Dieu ils honorent ou quelle divinité ils récusent ? Les réponses, cette fois, risquent de se faire attendre. Sur ces secrets-là, chacun préfère garder porte dose. L'intimité véritable aurait-elle changé d'objet et de périmètre ?
Sans aucun doute.
Alors, suis-je chrétien ? Rétrospectivement, je comprends mieux l'engourdissement d'esprit, l'accablement instinctif, la prudence lasse qui m'assaillaient dès que je m'approchais, par la pensée, de cette question centrale. Je réagissais comme tout un chacun. Y répondre de manière frontale, s'expliquer sans tricherie exige qu'on accepte de « lâcher prise ». Qu'est-ce à dire ? Lâcher prise signifie qu'on renoncera autant que possible à l'éloquence, au calcul, à la rhétorique pour sortir du silence ou des palinodies. Lâcher prise veut dire qu'on s'exprimera « tout droit ». Avec le seul souci de mettre à plat un témoignage. Tout simplement. Dans sa maladresse et son indécision. Lâcher prise, c'est sortir du bois pour s'avancer en terrain découvert, et – sauf exception – sans le bouclier protecteur que constituent les citations, l'érudition, les grands auteurs et les notes en bas de page. Non, il faudra écrire cette fois en coupant au plus court.
Cela veut dire qu'on renoncera à «faire le malin ». On essaiera de rester au plus près de ce qu'on a effectivement vécu, quitte à sembler ou trop compliqué ou – le plus souvent – trop sommaire. Au risque de faire sourire les spécialistes ou hausser les épaules à ces théoriciens de métier ou à ces théologiens valeureusement attachés à la «patience du concept» mais dont le travail est peu lisible. Serai-je capable de m'en tenir à ce projet ? En tout cas cette imprudence me tente. Je voudrais écrire avec le plus de clarté possible. Sans faire l'économie d'une réflexion quand cela s'impose, mais sans jamais m'égarer dans l'« esprit de sérieux ».

Jean-Claude Guillebaud

1 comentário:

  1. Começo hoje a relembrar ou apreender a linguagem francesa, com a leitura de "Comment je suis redevenu chrétien", de Jean-Claude Guillebaud. E, por acaso, a lembrar-me do velho cristão e, sobretudo, se deus ainda e como existe e nos liga.

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